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Philosophie et écologie

mpOC | Posté le 16 avril 2011

Chroniques de livres

Anne Dalsuet, Philosophie et écologie, Gallimard, 2010, 225 p.

Si, dans nos contrées, on s’intéresse surtout à la philosophie politique, morale et à l’épistémologie, par contre on se penche moins sur les rapports entre philosophie et écologie. La situation d’urgence planétaire nous incite pourtant à étudier de plus près ce domaine. Cet essai dense d’Anne Dalsuet, au départ à destination des classes de terminale en France, nous y aidera et nous ouvrira de nouvelles perspectives.

La première explore les racines historiques du sentiment de la nature dans la pensée américaine, avec Ralph Waldo Emerson et Henry D. Thoreau, jusqu’à Aldo Leopold et sa dénonciation de l’anthropocentrisme à travers la land ethic. La wilderness (la nature sauvage), irriguée par le romantisme, a participé à la construction du sentiment national américain, tout en étant paradoxalement exploitée sans retenue par les colons.

La seconde perspective retourne vers l’ancien continent pour montrer que la valorisation de la nature et le refus de la domination de l’homme sur elle sont des idées apparues en Angleterre, où un mouvement philosophique a tôt réagi contre l’industrialisation naissante.

La troisième perspective examine le passage du concept de nature à celui d’environnement à la fin du 20ème siècle, en France, pays dont l’héritage cartésien l’a tenu longtemps à l’écart des préoccupations écologiques.

La quatrième perspective, consacrée à l’illusion techniciste, est particulièrement intéressante. Dalsuet réfléchit à partir de l’excellent essai du géographe André Lebeau L’enfermement planétaire (Gallimard, 2008). L’influence de l’homme sur son environnement, via la technique et la démographie, est devenue telle que l’humanité est en train d’atteindre les limites physiques et compromet ainsi ses conditions de vie, et même de survie. L’auteur conclut que « seule une pensée post-métaphysique de la technique, affranchie d’une volonté de maîtrise, pourrait nous aider à appréhender la crise aujourd’hui » (p. 117).

La cinquième perspective, qui réfléchit sur la notion de catastrophe, est certainement la plus ardue à appréhender conceptuellement.

La sixième perspective nous invite à découvrir quelque chose de relativement neuf en Europe, l’éthique environnementale, portée par des penseurs anglo-saxons comme Paul W. Taylor, Peter Singer, Tom Regan, Lynn White, et surtout John Baird Callicott. La nature est-elle un sujet de droit ? Y a-t-il des fins dans la nature ? La vie a-t-elle une valeur intrinsèque ? Faut-il se débarrasser du dualisme ? Comment traiter la question du bien-être animal ?, autant de sujets de réflexion pour cette discipline.

Pour conclure, Anne Dalsuet pose la question d’une écologie politique adaptée aux temps présent, en la confrontant à l’écofascisme, au réformisme et à l’écologique profonde (deep ecology) anti-humaniste d’Arne Næss qui « analyse les racines culturelles de la crise écologique pour interroger notre conception du monde » (p. 199 & 200).

Bernard Legros

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