Accueil > Ressources > Envoyé par les membres > Proposition de compromis global susceptible de débloquer la situation (...)
mpOC | Posté le 11 mars 2011
par Martine Dardenne, Paul Lannoye, Georges Trussart, membres du mpOC *
Après 7 mois de négociations- discussions, il apparaît, en dépit des déclarations multiples selon lesquelles on est proche d’un accord, qu’il n’y a à ce jour aucun accord ni même aucune avancée sur l’épineux dossier qui empoisonne les relations entre communautés depuis de nombreuses années, dossier qui a fait tomber le gouvernement Leterme en avril 2010 ; il s’agit bien entendu de la problématique de la scission de l’arrondissement de Bruxelles-Hal-Vilvorde dit BHV.
Nous partageons l’avis qu’une réponse globale doit être apportée, la scission pure et simple étant à juste titre jugée inacceptable par les francophones. Cette réponse globale, si on la veut durable et non génératrice de nouvelles revendications à moyen terme voire à court terme, doit prendre en compte deux conceptions apparemment contradictoires du droit : le droit des gens brandi par les francophones et le droit du sol considéré comme primordial par les flamands.
Ces deux conceptions sont-elles inconciliables ? La réponse est oui si on refuse d’entendre les arguments qui légitiment l’autre conception ; mais, si on fait preuve d’ouverture, la réponse est non.
Bien que francophones, nous comprenons la volonté flamande de protéger la culture flamande et l’identité flamande des communes périphériques de Bruxelles où de très nombreux francophones se sont implantés. Nous pensons donc que vouloir élargir la Région bruxelloise à ces communes sur base du critère strictement démocratique (consultation des habitants) est difficilement acceptable pour la Région flamande puisque cet élargissement signifie un grignotage de la Flandre au profit d’une Région, Bruxelles, majoritairement francophone et perçue comme expansionniste.
Le régime des facilités linguistiques, dénommé « régime spécial en vue de la protection des minorités » a été institué par les lois des 08/11/1962 et 02/08/ 1963.
Selon les responsables politiques flamands, ce régime n’a été mis en place que pour permettre l’intégration des francophones ; à ce titre, il est donc appelé à disparaître à terme. Selon les francophones, il s’agit d’un régime appelé à perdurer ; il est donc à durée illimitée.
Les deux options sont légitimes.
La seconde est plutôt conforme à la vision de la Belgique ancienne alors que la première s’inscrit dans la conception confédérale qui semble l’emporter aujourd’hui en Flandre.
Un compromis ne lésant personne s’inscrivant dans une perspective fédérale approfondie ou confédérale serait de confier aux Régions le choix de maintenir ou non le régime des facilités, mais toutefois de consacrer le droit des personnes actuellement domiciliées dans les communes concernées à en bénéficier jusqu’à leur radiation des registres de la population par décès ou départ. Les personnes nouvellement inscrites, par naissance ou installation, n’en bénéficient pas.
A terme, le régime des facilités sera donc abrogé, si la Région le souhaite.
Il va de soi que ce régime des facilités, qui fonctionne sans heurt majeur dans de nombreuses communes limitrophes de la frontière linguistique, hors contexte bruxellois, a nos faveurs en ce qu’il traduit la volonté de courtoisie linguistique. Ceci dit, il est légitime de demander à quelqu’un qui choisit de s’installer dans une région de s’efforcer d’en apprendre la langue et à terme de la pratiquer.
Sur la scission de l’arrondissement BHV.
Dans la logique voulue par les responsables politiques flamands, la scission de l’arrondissement (électoral et judiciaire) de Bruxelles-Hal-Vilvorde est incontournable. Elle consacre la volonté d’homogénéisation linguistique de la Flandre.
Nous pensons que cette scission doit s’accompagner de l’assurance que la loi de 1935 sur l’emploi des langues en matière judiciaire reste d’application sur tout le territoire national ; le défendeur, au civil et au pénal, doit pouvoir bénéficier d’une procédure, dès l’instruction, dans la langue qu’il a choisie (parmi les trois langues nationales).
La proposition de circonscription unique nationale pour désigner un certain nombre de membres de la Chambre permettrait d’élargir le droit des francophones de Hal et Vilvorde à tous les citoyens belges qui le souhaitent de voter pour un candidat d’une autre communauté linguistique. A ce titre, elle doit faire partie du compromis.
Transfert de certaines communes périphériques en Région bruxelloise, si la population marque son accord.
La volonté d’une autonomie régionale largement accrue, voulue par les responsables politiques flamands et acceptée par les wallons, doit nécessairement, selon nous, impliquer la levée de l’ambiguïté actuelle quant au statut de Bruxelles. La Région de Bruxelles-Capitale doit, au même titre que les deux autres Régions être dotée d’un statut de Région autonome, sachant que son rôle de capitale nationale exige qu’elle exerce certaines compétences spécifiques.
Sa position géographique, enclavée dans la région flamande, ne pose pas de problème insurmontable dans le contexte actuel. Toutefois, dans le nouveau contexte de fédéralisme approfondi voire de confédéralisme, il serait logique que les communes flamandes périphériques où vit une majorité de francophones et qui sont limitrophes de la Wallonie, soient rattachées à la Région bilingue de Bruxelles.
Ainsi, chaque Région serait limitrophe des deux autres.
La volonté séparatiste affichée par un nombre croissant de responsables politiques flamands inspire, à notre avis à juste titre, la crainte chez les francophones de voir à terme la Flandre exiger l’indépendance. Cette exigence ne pourrait pour les Wallons et les Bruxellois s’accommoder du statu quo quant aux limites actuelles de Bruxelles.
Ainsi, après consultation populaire dans les communes concernées, Rhode St Genèse et Linkebeek devraient faire partie définitivement de la Région de Bruxelles, si la majorité de leurs citoyens le souhaite.
Pour une quatrième Région.
Des responsables politiques de la Communauté germanophone ont revendiqué le statut de Région pour le territoire des cantons germanophones. Pour autant qu’une majorité de citoyens de ces cantons s’y déclare favorable, il ne devrait pas y avoir d’obstacle à la naissance de cette 4ème Région de la Belgique.
Il faut néanmoins faire remarquer que cela signifie une amputation territoriale pour la Wallonie, plus importante que celle résultant du transfert des deux communes flamandes (Rhode et Linkebeek) vers la Région de Bruxelles.
Ainsi, les deux grandes Régions accepteraient toutes deux de céder une partie de leur territoire pour conforter un compromis global.
Cet ensemble de propositions, nous le pensons sincèrement, constitue un compromis équilibré prenant largement en compte les exigences de chaque partie et ne consacrant la défaite de personne. En outre, il ne contient aucun bricolage boiteux générateur de conflits futurs.
Nous espérons qu’une telle proposition puisse être prise en considération par les partis francophones dans leur ensemble ; nous sommes convaincus que la consultation des populations concernées montrerait qu’une large majorité des citoyens pourrait lui être favorable tant en Flandre qu’en Wallonie, à Bruxelles et dans la Communauté germanophone.
Il serait par ailleurs logique et positif pour la mise en œuvre d’un tel compromis que les bourgmestres choisis par le Conseil communal des communes de la périphérie bruxelloise soient nommés après consécration de l’accord global, et que la Flandre accepte la ratification de la Convention du Conseil de l’Europe sur la protection des minorités.
Enfin, il nous apparaît que seul un règlement préalable de ces difficiles dossiers communautaires par une proposition de compromis équilibré pourra permettre ensuite une saine discussion visant à mettre en place les mesures nécessaires à l’approfondissement de l’autonomie régionale souhaitée par tous.
Une consultation populaire portant sur le compromis global devrait sanctionner le processus.
Martine Dardenne est sénatrice honoraire (1989 -1999) et ancienne députée (1999 - 2003)
Paul Lannoye est ancien sénateur (1988 -1989) et député honoraire (1989 -2004).
Georges Trussart est ancien sénateur (1981 à 1988).
* Les trois signataires de cette proposition sont anciens parlementaires mais ne sont plus en aucune manière liés à l’un ou l’autre parti politique impliqué dans les négociations actuelles et futures visant à la formation d’un gouvernement. Ils sont libres de tout engagement partisan.