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mpOC | Posté le 12 octobre 2011
Document adopté en Assemblée générale le 9 octobre 2011.
Nous sommes conscients que ce chapitre « économie-finances » du projet des objecteurs de croissance de Belgique francophone du mpOC définit seulement nos grandes options en cette matière. Elles ne peuvent se comprendre qu’articulées avec les autres chapitres du projet des Objecteurs de Croissance qui constitue un tout indivisible.
Plusieurs notions devront être précisées. Certaines de celles-ci sont d’ailleurs mises en évidence (en gras dans le texte) car nous avons l’intention de rédiger des notes, voire des journées de réflexion, pour définir plus en détail les solutions que nous avancerons sur ces questions.
Toutefois, le document que vous allez lire est suffisamment développé pour donner une idée claire du projet de société que défendent les objecteurs de croissance et comment ils entendent le développer dans les sphères économique et financière. Ce projet se veut une fidèle traduction des voies esquissées dans le Manifeste adopté le 18 octobre 2009.
Pour le mouvement politique des Objecteurs de Croissance, la course à la croissance et au progrès matériel, la compétitivité et l’esprit de conquête doivent faire place au mieux-être, à la convivialité, à la coopération, à la solidarité, dans le respect du monde vivant et des équilibres naturels. L’objectif est de mettre sur pied une bioéconomie [1] qui permette l’émergence d’une société équitable tenant compte des impératifs de l’écologie. L’économie néo-libérale doit dès lors disparaître au profit d’une économie non-violente, non prédatrice et dont la fonction est de servir la société et non de la soumettre. Les objecteurs de croissance considèrent que les relations sociales et démocratiques sont prioritaires dans l’économie politique plutôt que les seuls impératifs du marché.
Rejetant un productivisme débridé, humainement, socialement et environnementalement dévastateur, le mpOC considère que, pour une majorité de produits et de services, les échanges doivent avoir lieu sur des marchés libres. Toutefois, ces marchés seront régulés par les pouvoirs publics dans l’intérêt de la survie des écosystèmes et de l’épanouissement de toutes les personnes, sans distinction. Le mpOC défend une économie avec marchés, marchés au pluriel car les systèmes d’économie de marché et d’économie planifiée se sont avérés destructeurs tant des ressources naturelles que des humains.
Le mpOC entend infléchir l’économie en favorisant la solidarité et l’équité plutôt que la concurrence généralisée et dénonce le mythe du « libre-échange » qui s’est imposé sans arguments économiques réels et parfois par la violence dans certaines parties du monde.
En conséquence, le projet de l’objection de croissance est un projet qui prépare le post-capitalisme car la majorité des effets très négatifs de l’économie que nous subissons aujourd’hui sont certes dus à l’économisme en vigueur mais aussi à la recherche de profits et d’accumulation insensée de capital en très peu de mains.
Les pouvoirs publics doivent garder une capacité d’orientation de leur économie nationale ou régionale et donc s’écarter des injonctions et règles ultralibérales telles qu’imposées par l’Union européenne et repenser le rôle et le fonctionnement d’organisations internationales telles que l’OMC, le FMI ou la Banque mondiale, tout en entretenant des relations avec les entités politiques du monde entier et ce dans une optique de coopération et d’échanges de savoirs plutôt que dans l‘optique d’échanges commerciaux. Il ne faut pas moins d’Etat mais plus et mieux d’Etat dans une démocratie participative décentralisée, c’est-à-dire fondée sur la somme des réflexions et des actions menées au plan local.
Face à la logique de marchandisation de tout bien ou service, voire même des relations humaines, le mpOC entend promouvoir la sphère de la gratuité.
Afin d’orienter l’économie, de faire porter les externalités (dégâts humains et environnementaux) par ceux qui les produisent, les pouvoirs publics doivent développer d’urgence des outils de régulation forts :
L’actuelle économie productiviste n’est possible que grâce à l’utilisation effrénée des ressources non-renouvelables. Au-delà de l’utilisation d’énergies renouvelables, le système technique doit d’urgence évoluer vers la fin du gaspillage et vers l’efficacité énergétique.
Les outils de production devront être largement relocalisés afin d’éviter la gabegie énergétique des transports et de faciliter la maîtrise des outils par les utilisateurs. On développera dès lors les entreprises de petite taille, de proximité et l’on favorisera les circuits courts (notamment pour la production agricole : souveraineté alimentaire).
La sortie progressive de l’économie globalisée se poursuivra par la reconversion de la production vers des filières économiques endogènes basées sur des produits locaux (filières bois, chanvre, lin…).
Le protectionnisme coopératif, idéalement développé au niveau européen (prélèvements sur les importations - voir aussi fiscalité), est un moyen d’aider à cette relocalisation mais aura aussi d’autres conséquences positives : préservation des ressources mondiales, frein à la mise en concurrence des peuples, aide directe aux pays qui en ont le plus besoin…
On luttera aussi contre tout dumping social ou environnemental, symétriquement on s’opposera à toute aide ou subventions aux exportations afin de permettre aux pays émergents de développer des secteurs économiques locaux protégés de la concurrence déloyale des pays développés.
Cette relocalisation nécessitera une réorientation des aides publiques (choix des types d’emplois et d’investissements à soutenir).
A côté de cette réorganisation de l’économie marchande, des formes économiques alternatives doivent se développer, privilégiant l’utilité sociale des productions et l’amélioration des conditions de travail des travailleurs. Cela passera notamment par le soutien et le développement de diverses formes d’économie sociale (coopératives, asbl, non-marchand en général…)
Une part importante du processus de réappropriation peut être l’autoproduction (familiale, de quartier, communale…) ne nécessitant pas ou peu d’échanges monétaires : auto-construction, jardins collectifs, autoproduction d’énergie, ateliers collectifs, logiciels libres, arts libres, réseaux d’échanges (SELs)…
Il en va ainsi pour tout ce qui concerne la sphère d’autonomie individuelle ou collective : il est essentiel de ne pas livrer au marché les trop rares activités d’autoproduction et d’auto-services que nous assumons encore nous-mêmes. Au contraire, nous devons nous réapproprier celles déjà trop nombreuses que nous avons perdues en acceptant leur marchandisation.
Il convient donc d’empêcher les services marchands de se développer là où les services au public sont assurés par la collectivité. On a en effet pu constater les conséquences très négatives de l’abandon au secteur privé de pans essentiels de l’économie. Le mpOC prône dès lors un contrôle collectif et citoyen sur :
Sur ce dernier point du rôle du système financier, l’actualité récente montre qu’il faut plus qu’une régulation de l’activité financière car celle-ci a des conséquences énormes sur l’ensemble des secteurs de l’économie. Le mpOC souhaite dès lors :
Si, comme le mpOC le craint fortement, une nouvelle bulle financière éclatait bientôt, il faudra laisser les spéculateurs avec leur dettes, organiser le défaut de paiement partout où ce sera nécessaire et justifié.
La rareté du travail est une condition essentielle au maintien de l’idéologie de la croissance. En effet, puisque les gains de productivité ne sont pas consacrés à la diminution du temps de travail, une croissance au moins égale à l’augmentation de la productivité est nécessaire au maintien de l’emploi. La rareté voulue du travail crée un taux de chômage élevé mettant les travailleurs en concurrence les uns avec les autres, permettant ainsi une pression forte vers une diminution des salaires et une dégradation des conditions de travail.
Le mpOC propose une diminution généralisée et progressive du temps de travail afin que celui-ci et les revenus qui y sont liés soient partagés entre tous.
Pour ce qui est de la qualité du travail, les objecteurs de croissance s’opposent aux augmentations des cadences de travail, au stress croissant, à la parcellisation des tâches. A l’encontre, ils prônent et souhaitent des emplois donnant au travailleur un sentiment d’utilité sociale et de sens du travail accompli. Il faut donner aux citoyen-ne-s et aux salarié-e-s le droit d’intervention dans la gestion des entreprises et des services publics.
Cette réallocation solidaire du temps de travail devra s’accompagner de l’instauration progressive d’un revenu inconditionnel d’existence individuel et inaliénable, pouvant inclure des dotations inconditionnelles. Cette instauration devra être établie dans un cadre fédéral en concertation avec l’ensemble des partenaires concernés (partenaires sociaux et CPAS) et avec l’objectif d’élargir les droits fondamentaux, de les renforcer tout en en simplifiant l’accès.
La fiscalité est un outil essentiel pour réorienter les modes de production et de consommation, pour réduire les inégalités de richesse et d’accès aux biens, pour financer les systèmes de solidarité…
Aujourd’hui organisée pour favoriser ceux qui font croître les productions (quelles que soient les utilités de celles-ci), la fiscalité doit être revue profondément en privilégiant :
Cumulant les trois fonctions de moyen d’échange, de mise en réserve et de spéculation, la monnaie est un outil très délicat à manier. Devenu le symbole de la richesse, l’argent aliène les personnes et impose la logique de croissance au cœur même du système économique. Démultiplié par les banques privées pour des objectifs de profit, l’argent soutient les activités inutiles ou néfastes et crée des dettes ingérables. Le mpOC veut dès lors qu’il redevienne un moyen et plus une fin en soi.
Pour ce faire, il est nécessaire que les collectivités s’en réapproprient l’usage en :
Au-delà de ces aspects « de proximité », le mpOC est très attentif aux relations monétaires planétaires. Le fait qu’une monnaie nationale soit la référence internationale induit des déséquilibres économiques préjudiciables ; il convient dès lors de revoir l’organisation monétaire mondiale qui fut mise en place après la guerre 1940/1945 à Bretton-Woods et créer une monnaie mondiale de référence basée sur un panier de monnaies (cfr Bancor de Keynes).
[1] La bioéconomie est définie dans le Manifeste comme « Une économie qui tient compte des limites dans lesquelles elle s’inscrit, ce qui passe par, la relocalisation des activités économiques, l’autonomie alimentaire et énergétique, une économie du réparable et du recyclable, la lutte contre tous les gaspillages et donc la fin de l’obsolescence organisée, des services publics ou non-marchands d’intérêt collectif, la coopération, l’autonomie et la démocratie directe, le respect et la protection des diversités culturelles et biologiques. »