Accueil > Communiqués > L’invasion des mégacentres commerciaux
mpOC | Posté le 6 février 2012
Alors que, face à la crise, les commerces des centres urbains éprouvent bien des difficultés à survivre, des promoteurs internationaux veulent les concurrencer et multiplient les projets de gigantesques centres commerciaux qui vont à l’exact opposé de ce que préconisent les urbanistes qui réfléchissent à ce que devraient être les villes de l’avenir pour qu’elles restent vivables.
Dans le mini-dossier de presse ci-dessous, le Mouvement politique des objecteurs de croissance fait le point sur 6 de ces projets et développe les nombreux arguments qui plaident contre l’autorisation de tels équipements anti-urbains.
Le mpOC soutient les mobilisations locales et régionales qui militent contre l’invasion par ces infrastructures dépassées.
Bruxelles, le 6 février 2012
La Belgique est aujourd’hui sous la menace d’une redoutable invasion, celle des mégacentres commerciaux. Ces derniers temps, le centre et le sud du pays ont vu se profiler pas moins de six nouveaux projets pharaoniques :
Projet « Néo » : sur le site du Heysel, le concepteur KCAP voudrait construire 70.000 m² de commerces de détail ainsi que 9.000 m² de commerces alimentaires ainsi que 10.000 places de parkings en sous-sol. Coût total estimé de l’opération : 900 millions d’euros. Ce 2 février 2012, le gouvernement bruxellois vient d’approuver le PRAS (plan régional d’affectation du sol) rendant possible ce projet.
Projet « Uplace » : à Machelen, quasi sous le viaduc de Vilvorde, projet de 192.000 m² (27.000 m² de loisirs, 20.000 m² d’hôtels, 55.000 m² de commerce, 50.000 m² d’espace public, 40.000 m² de bureaux). Vanté comme le plus grand projet immobilier européen privé (coût de 600 millions d’euros) « dans le domaine du retail et de l’entertainment » Uplace prétend installer à Machelen un « centre d’aventure » et « le shopping center le plus grand du Benelux : 80.000 m² » (record actuel : Wijnegem Shopping avec 57.400 m²).
Projet « Just under the sky » : le groupe Mestdagh et son bras immobilier, Equilis, ont acquis un terrain d’environ 5 hectares sur le site des anciennes poêleries Godin, Quai des Usines, le long du canal à Bruxelles-Ville. Ils espèrent y bâtir centre commercial de 50.000 m² assorti de 1.753 places de parking (ouverture espérée en 2014 ?).
Projet « Au fil de l’eau » : à Verviers,City Mall, l’ex-Foruminvest, persiste à tenter d’implanter son projet de centre commercial de 29.000 m² le long de la Vesdre (plus au-dessus, heureusement). 85 enseignes commerciales et 1.180 places de parkings, pour un montant de 200 millions d’Euros. Le permis accordé par la Ville vient d’être cassé par le Conseil d’Etat.
Projet « Côté verre » : encore City Mall (Foruminvest) qui veut s’attaquer cette fois au centre ville de Namur et remplacer le parc Léopold et la gare des bus par un centre commercial urbain de 20.000 m² et 1.000 parkings.
Projet « Diamant » : à Louvain-la-Neuve, la société Wilhelm& Co envisage une extension de son actuelle galerie de 34.000 m², l’Esplanade, par un « bâtiment emblématique » de 20.000 à 25.000 m² de surfaces louables. Le coût de ce projet d’extension est estimé à 100 millions d’euros.
Le Mouvement politique des objecteurs de croissance considère que de tels projets vont à l’exact opposé de ce qu’il conviendrait de faire en ce début de XXIème siècle.
En effet, tous les urbanistes et les architectes qui réfléchissent à ce que devraient être des villes durables de demain prônent la centralité urbaine, la mixité des fonctions, la réduction de l’espace capté au profit de la voiture individuelle. Les projets listés ci-dessus font l’inverse et imaginent des projets qui copient les projets des années 1950/1960 quand on commençait la construction à la périphérie des villes d’hypermarchés et de centres commerciaux irrigués par les voitures et les autoroutes alors en pleine multiplication. Aujourd’hui, certains continuent malgré l’évidence des nuisances engendrées par de tels équipement collectifs, avec la petite différence qu’ils envahissent parfois les centres des villes, détruisant alors des patrimoines bâtis et historiques de valeur.
De tels centres commerciaux, irrigués majoritairement en voiture individuelle, sont des temples dédiés au consumérisme le plus excessif, proposant à un public médusé les satisfactions illusoires du « toujours plus d’objets standardisés par les circuits mondialisés ». Alors qu’une transition écologique, toujours plus nécessaire, incite à se tourner vers des produits locaux vendus dans des commerces de proximité, ces centres commerciaux, identiques à ceux de Shanghai ou de Dubaï ne proposent que la production de masse que les multinationales tentent de vendre à l’ensemble de la Planète.
On pourrait donc espérer que les pouvoirs publics, conscients de l’aberration de tels projets leur refusent les permis de bâtir. Cela a fort heureusement été le cas avec le projet « Citta Verde » à Farciennes, refusé à plusieurs reprises par les Ministres wallons de l’urbanisme. Hélas, ce courage politique est rare et beaucoup de responsables politiques se laissent séduire par les fallacieuses promesses de création d’emplois que les promoteurs font miroiter en accompagnement de leurs projets. Nous ne pouvons rien ajouter aux conclusions de l’étude faite par la Région wallonne à propos de la zone de Charleroi à l’occasion du projet « Citta Verde » : « De tels projets sont trop ambitieux et la création d’emplois qu’ils annoncent aurait pour première conséquence la mise en péril des emplois et des infrastructures commerciales déjà existants dans une région. Les centres urbains sont ceux qui ont le plus souffert du manque de régulation de l’activité commerciale par les pouvoirs publics ».
Hélas, la lucidité n’est pas le fait de certains responsables politique ou, alors, leur réflexes localistes et à courte vue leur font prendre des décisions égoïstes sans se préoccuper des conséquences néfastes sur d’autres de leurs décisions.
Les promoteurs vont même parfois plus loin et tentent de faire payer par les pouvoirs publics les investissements nécessaires pour accéder à leurs centres commerciaux. C’est par exemple le cas du projet « Uplace » qui veut faire construire des voiries d’accès par la Région flamande.
On constate que ces projet sont l’œuvre de promoteurs qui tentent d’acquérir des surfaces et des permis et puis vendent le projet à des investisseurs d’un côté et à des chaines multinationales de commerce de l’autre. Ces entremetteurs sont exemplaires d’une vision mondialisée de l’économie où les territoires et les villes sont les terrains de jeux et surtout de profit pour des groupes internationaux. Alors que les commerçants locaux et les petites entreprises ont toutes les peines pour trouver des crédits pour développer des activités qui répondent à de réels besoins, des groupes inspirés par la finance internationale veulent imposer des projets nuisibles à l’environnement dans lequel ils s’implantent.
Nous ne reviendrons pas en détail sur les conséquences environnementales très négatives de ces attracteurs de circulation automobile que sont ces mégacentres commerciaux (voir par exemple les excellents dossiers réalisés par Inter-environnement Bruxelles 1 ) et, à nouveau, ne nous référons pas seulement aux revendications des mouvements de citoyens mais reprenons l’analyse d’un pouvoir public crédible comme la Région de Bruxelles-Capitale : : « absence de synergie avec les projets avoisinants planifiés », « absence d’analyse des effets cumulés de la mobilité générée par les projets », « augmentation de la congestion, du bruit et des émissions polluantes », « charge supplémentaire de véhicules sur un Ring déjà saturé », « le projet est en contradiction avec le plan du gouvernement bruxellois de diminuer la pression automobile de 20% d’ici 2018 », « augmentation des émissions de NO2 » : tels sont les termes exacts de la note du gouvernement bruxellois du 14 juillet 2011 dans le cadre de l’enquête publique sur le projet « Uplace » Machelen.
Le Mouvement politique des objecteurs de croissance soutient et collaborera avec toutes les mobilisations locales qui s’opposent à la construction de bâtiments souvent architecturalement médiocres et totalement non adaptés à l’environnement sur lequel ils sont plaqués.
Souvent, les projets sont tellement inappropriés qu’ils contreviennent aux dispositions légales qui encadrent l’aménagement du territoire. Les promoteurs font alors pression sur les pouvoirs publics pour modifier les plans urbanistiques et protections légales qui sont sensés traduire les objectifs urbanistiques décidés par les collectivités. Il importe de refuser de telles modifications des règles urbanistiques qui donnent priorité à l’appétit conjoncturel de promoteurs venus de loin sur les projets d’aménagement du territoire mis en place démocratiquement en fonction de projets de vie adaptés aux personnes vivant dans les régions concernées.
Le mpOC en appelle à des fronts larges rassemblant les défenseurs de l’environnement et les représentants des associations des commerces de proximité qui sont les premières victimes économiques de ces projets qui prétendent créer de l’emploi mais en détruisent parfois plus dans le tissu commercial existant dans une zone géographique parfois étendue.
Ainsi, sur Namur, le mpOC est, dans l’urgence, intervenu dans la procédure d’enquête publique de « requalification de l’espace public » (sic) qui prépare en fait l’arrivée du projet de City Mall (cette enquête publique a, hélas, eu lieu à cheval sur la période des fêtes, ce qui n’a guère permis une réaction citoyenne face aux conséquences du projet sur le centre ville). Le groupe local namurois du mpOC a néanmoins pu agir dans les délais et a déposé dans le cadre de l’enquête une réaction argumentée très critique2. Par la suite, le mpOC participera à la mobilisation citoyenne qui devra se développer pour contrer un projet aussi néfaste à l’évolution du centre de la ville de Namur.
Le mpOC était également intervenu dans la procédure d’enquête publique sur Verviers.
Le mpOC juge les projets de mégacentres commerciaux en rupture totale avec le cadre existant et avec l’intérêt général sur les plans économique et environnemental. La réaction des autorités publiques face à ces projets irrespectueux sera un test décisif pour évaluer la sincérité des responsables politiques quant à leurs affirmations d’avoir pris conscience de la nécessité de concevoir un projet de société prenant mieux en compte les équilibres environnementaux et sociaux.
Marie-Eve Tries, Alain Adriaens,
porte-parole du Mouvement politique des objecteurs de croissance
[1]
[2]
[2] Disponible sur demande à presse@objecteursdecroisance.be