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mpOC | Posté le 11 mars 2013
Voici l’escargot déchaîné du mois de mars
Edito
Tous les politiques, toutes tendances confondues, sont aujourd’hui de plus en plus d’accord pour dire qu’être citoyen ne se limite pas à voter pour des personnes puis à se rendormir le lendemain des élections après avoir donné son avis. Etre citoyen implique de s’intéresser de près à la vie politique de sa ville, sa province, sa communauté, sa région, son pays et même à celle de l’Europe. S’intéresser à la vie politique, ce peut être lire le rapport du conseil communal ou assister à celui-ci, regarder quels sont les projets de lois ou de décrets en cours, s’intéresser aux débats qui animent nos parlements, monter une association pour défendre un point de vue sur un objet précis, … . Lorsqu’on élit une personne pour nous représenter dans une institution politique, il est assez logique de se renseigner sur ce qu’elle y fait, sur les questions qu’elle y pose, les débats qu’elle y porte, les propositions qu’elle y dépose et la manière dont elle vote. Il est tout aussi logique de demander que ces renseignements soient accessibles et, surtout, compréhensibles.
Au niveau communal, l’information est très inégale selon les communes concernées. Les Liégeois et les Ottintois trouveront par exemple sur le site de la Ville les ordres du jour et comptes-rendus des séances du conseil communal. Les Carolos n’ont plus rien à se mettre sous la dent depuis décembre 2012… Nous noterons que c’est au niveau communal que le maximum d’effort est fait au niveau de la participation citoyenne : conseils consultatifs, agenda 21, … quoique avec des résultats et des réalités bien différentes d’une commune à l’autre : ici une ouverture réelle à l’exercice de la citoyenneté ; là un contrôle accru par ceux qui détiennent le pouvoir ; ailleurs des conseils et un agenda 21 vidés de leur substance du fait de la sélection de ceux qui sont amenés à y participer ou d’un déficit de réunion.
Au niveau provincial, cela se corse. Assister au conseil provincial du Brabant Wallon, c’est entendre « vote du point 1B, oui-non » sans que le citoyen qui pourtant fait l’effort d’être présent n’y puisse comprendre quelque chose. Les décisions sont disponibles – avec retard – sur Internet, mais on remarquera que le citoyen qui ne dispose pas de l’outil informatique ne reçoit pas de bulletin ni de compte-rendu. On peut supposer qu’il peut les obtenir sur demande, mais l’information n’est pas immédiatement disponible. L’information est technique, difficile à comprendre et surtout à trouver. Or, les citoyens ne sont pas tous titulaires d’un master en droit et ne maîtrisent pas tous le langage technique de ces rapports. Même en s’y habituant, trouver une information spécifique peut prendre plus d’une heure. On notera que le contenu des débats n’est pas indiqué. Impossible de savoir si le conseiller provincial qu’on a élu/pour lequel on a voté fait ce qu’il a dit avant les élections.
Au niveau des communautés, des régions et du fédéral, le même problème se pose. Les ordres du jour sont disponibles… quoique durant le mois de février, les ordres du jour du parlement wallon étaient inaccessibles sur Internet. Les projets et propositions de lois et de décrets sont détaillés mais pas expliqués, et il est très difficile de retrouver un document précis. La simple question « tiens, de quoi débat-on cette semaine au parlement » trouve difficilement une réponse compréhensible. Le plus simple reste encore de s’informer directement sur le site de votre élu préféré, tout en sachant bien qu’il s’y met immanquablement en valeur.
Palme d’or de la transparence : le parlement européen. L’information technique et exacte y est disponible, mais les débats sont explicités en première page dans un langage clair et compréhensible, même si parfois partisan. Cette vulgarisation se fait a priori et non a posteriori, ce qui vous laisse le temps d’interpeler votre élu et de lui demander comment il compte agir et pourquoi.
Dès lors, notre demande est toute simple : pourquoi ne pas faire partout l’effort du parlement européen ? Des articles clairs qui accompagnent les points techniques et le langage juridique. Aux niveaux fédéral et régional, pourquoi ne pas publier, à côté du Moniteur belge, un journal plus accessible explicitant ce qui se passe. C’est le rôle de la presse, me dira-t-on, de mettre à la portée de tous ce qui se passe. Mais les journalistes ont leurs priorités qui ne sont pas forcément celles du citoyen concerné par le politique. Et puis on sait qu’ils disposent de moins en moins de temps pour rédiger un article de fond, ce qui amène d’autres interrogations sur l’exercice de la démocratie. Un pape qui démissionne et voici 70% de votre journal parlé préféré qui en parle des heures durant, occultant des sujets qui pourtant vous intéressent au premier plan. Un pédophile qui sort de prison, et voici que vous ne recevez pas l’information qui concernait, justement, votre association et les idées que vous défendez.
La démocratie représentative ne fonctionne bien que si elle reste proche du citoyen, qui peut dès lors exercer un contrôle sur ce qui se passe. Le citoyen ne peut faire son travail de citoyen que s’il dispose d’une information claire et compréhensible sur ce qui se passe. De cette manière, il peut le cas échéant interpeler les élus, ou tout simplement voter pour une autre personne aux élections suivantes. Nous incitons tous les citoyens à réclamer cette transparence, à agir auprès de leurs élus et à demander des faits et des chiffres, sans se contenter des déclarations courtes et stéréotypées dont nous avons l’habitude mais qui ne permettent pas d’exercer un véritable contrôle démocratique sur nos institutions. C’est long et difficile ? Oui, mais personne n’a jamais dit qu’être citoyen était un travail facile. Nous l’oublions trop souvent, mais le citoyen est celui qui se mêle de ce qui le regarde. Etre citoyen, disait Aristote, c’est « gouverner et être gouverné ». Si nous nous laissons uniquement gouverner, nous oublions la part que nous devons prendre dans la gouvernance. Nous aurons peut-être la liberté d’expression, mais pas la démocratie ! Et nous prenons le risque de voir les choses nous échapper de plus en plus.
Marie-Eve Lapy-Tries, porte-parole