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mpOC | Posté le 8 novembre 2010
Dans son supplément « La Libre Entreprise » des 23 et 24 octobre derniers,
La Libre publiait un billet [1] de Nadine Gouzée, économiste. Le mpOC y apporte une réponse ci-dessous.
Dans l’édition de La libre Entreprise des 23 et 24 octobre dernier, l’économiste Nadine Gouzée se demandait si la croissance est « la solution ». Une question encore trop taboue et pourtant salutaire tant la réponse qui y sera apportée déterminera profondément notre avenir à tous. L’économiste profite cependant de cette question pour anticiper les réponses des « partisans de la décroissance », dont pourtant elle ne se compte semble-t-il pas. Ceux-ci sont accusés d’être adeptes de « l’ultrasolution » de la décroissance « contestant,
bien entendu, farouchement « la » croissance sous toutes ses formes », comme par symétrie.
Le procédé est (très) contestable, et consiste in fine à nier l’originalité de la pensée de l’objection de croissance pour mieux la vider de son contenu, avant même d’avoir pris le temps de s’en saisir.
Précisons donc qu’il n’y a pas de symétrie entre « la décroissance » telle que prônée par les objecteurs de croissance et « la croissance » du PIB et des profits. À « la » croissance, dogme irréaliste de l’accumulation quantitative sans fin sur une planète aux ressources limitées, les objecteurs de croissance répondent par un pas de côté : l’objection de croissance est avant tout l’expression de la volonté de sortir de l’économisme qui consiste à mesurer tout ce qui fait la vie à l’aune de l’économie.
Les objecteurs de croissance soulignent encore qu’il est urgent de faire décroître les flux de matière et d’énergie qui alimentent le processus économique, lequel aliène toujours plus les Hommes en les réduisant au simple état de producteurs-consommateurs et épuise la planète terre en consumant ses ressources et en la polluant dangereusement. La Terre n’a que faire de l’humanité et survivra à un tel traitement, l’Homme pas. Il s’agit donc d’organiser la décroissance de la production et de la consommation dès lors que les seuils de
soutenabilité écologique et humaine sont franchis. Cette décroissance-là est une voie royale pour sortir du non-sens et de l’injustice organisés par l’économie de prédation, tout autant qu’une urgente nécessité écologique.
S’inscrivant en faux de ce que semble vouloir dire Madame Gouzée, les
objecteurs de croissance savent que la situation sociale, sanitaire, culturelle et économique est très loin de s’améliorer « dans toutes les économies ». Pire, « la croissance » économique génère une décroissance subie et – faut-il le préciser – non souhaitable des conditions de vie de millions d’être humains de par le monde. Ainsi les populations de nombreux pays sont gravement affectées par les guerres des ressources (du pétrole et de l’uranium notamment) nécessaires pour alimenter la course à « la croissance », et par les catastrophes naturelles (celles liées au réchauffement climatique singulièrement) qu’engendre la surpollution que crée cette fuite en avant. Au niveau mondial les inégalités sociales ont explosé et la famine continue de... croître. Dans les pays riches, les économistes critiques ont montré un décrochement de la courbe du bien être de celle de la croissance du PIB : passé certains seuils, la croissance crée du mal-être, au détriment du bien être. Le bilan global de « la croissance » économique reste à faire, mais une chose est déjà connue : ce mode de développement nous a mené au bord du gouffre écologique, menaçant tous les équilibres.
Il existe évidemment des croissances positives dans certains secteurs d’activité, comme par exemple l’agriculture paysanne de type biologique, ou encore la production d’énergie renouvelable décentralisée et gérée localement. Les services publics et les services d’aide aux personnes doivent aussi faire l’objet d’investissements publics, avec l’attention toute particulière de ne pas substituer les liens de solidarité entre les personnes par des relations marchandes. Mais pour que ces croissances-là soient possibles, il est nécessaire de sortir pratiquement du tout-à-la-croissance car cette logique de rentabilité et de compétition généralisée empêche le réinvestissement dans les filières soutenables.
Cela suppose aussi de se défaire du dogme de la croissance : quel raisonnement sérieux peut encore soutenir que ces croissances pourraient être infinies sauf à vouloir remplacer « la mauvaise croissance » par une « autre croissance » elle aussi sans limite, et à reproduire autrement les erreurs qui fondent aujourd’hui la crise de notre civilisation ?
L’urgence est de renouer avec des modes d’organisation désirables et équilibrés, pas de s’illusionner sur l’augmentation perpétuelle d’un indicateur quelconque. Cela implique de reconnaître et de respecter les limites écologiques et anthropologiques au-delà desquelles la vie humaine perd pied.
Le plus n’est pas toujours égal à mieux, et le toujours plus matériel n’est ni
possible, ni souhaitable.
Pour que des croissances positives puissent être déployées, localement et
momentanément, il faut donc aussi dé-croire : « la croissance » ne peut pas
être « la solution ».
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