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mpOC | Posté le 4 mars 2019
L’économiste, Philippe Defeyt, nous a fait parvenir l’analyse qu’il a réalisée dans le cadre d’IDD (l’Institut du Développement Durable) sur les rapports entre gaz à effet de serre et croissance économique. Même si plusieurs points, surtout faute de sources, n’ont pu être analysés à fond, il nous a semblé intéressant de rendre son analyse disponible à tous et toutes. Elle nous ramène au principe de responsabilité déjà largement évoqué sur ce site : interroger la croissance.
Au vu de l’actualité des dernières années et de la récente accélération de la prise de conscience, pas besoin de gloser sur le réchauffement climatique et ses conséquences. Les évolutions récentes (notamment l’augmentation tendancielle de la concentration des gaz à effet de serre dans l’atmosphère, qui a dépassé maintenant les 500 ppm en équivalent CO2) et les craintes relatives aux conséquences du réchauffement qui nous attend sont aujourd’hui bien documentées.
Dans ce contexte la dernière analyse de IDD a pour objet de rappeler l’ampleur du défi au vu des progrès insuffisants du découplage des émissions de gaz à effet de serre par rapport à la croissance économique.Le découplage observé à l’échelle mondiale depuis 1970 est spectaculaire. Chaque unité de PIB produit aujourd’hui 60% moins de gaz à effet qu’en 1970.
Mais, comme l’économie mondiale a connu une forte croissance au cours de cette même période – 3,5%/an en moyenne –, le découplage observé est insuffisant pour réduire les émissions de gaz à effet de serre ; au contraire, on constate une augmentation tendancielle des émissions de gaz à effet de serre (X 2 depuis 1970).
Le calcul est certes hasardeux, mais instructif : en supposant que la tendance du découplage observée au cours des dernières années se maintienne, il faudrait limiter la croissance économique mondiale à moins de 2%/an pour d’abord stabiliser les émissions de CO2 liées à la combustion puis amorcer une très lente décrue, fort loin de ce qu’il faudrait pour contenir l’augmentation de la température en-deçà de 1,5°.
On peut supposer que l’augmentation des émissions de CO2 s’explique, en partie, par la stabilité à long terme du pouvoir d’achat énergétique mondial : en effet l’énergie est aujourd’hui aussi bon marché qu’avant le premier choc pétrolier.Qu’en est-il en Belgique ? La baisse de l’intensité des émissions de gaz à effet de serre par unité de PIB (= découplage) est très importante aussi puisque en recul de 50% entre 1990 et 2017. Au vu d’un taux de croissance moyen sur la période considérée d’un peu plus de 1,7%/an on assiste à une baisse significative des émissions de gaz à effet de serre de la Belgique qui, entre 1990 et 2017, ont reculé de 21%.
Tout indique que, malgré les mesures volontaristes qui sont intégrées dans le Projet du Plan National intégré Énergie Climat Belge 2021-2030, les progrès seront moindres d’ici à 2030. Au total, si toutes les conditions sont réunies, les émissions totales de la Belgique devraient se situer aux alentours de 103 Mt en 2030, soit 29% de moins qu’en 2005. J’avoue, ceci dit, avoir des questions sur la possibilité d’atteindre réellement certains objectifs dits volontaristes.A supposer que l’on réussisse l’ambition affichée pour 2030, il resterait encore à accomplir une réduction des émissions de gaz à effet de serre de la Belgique de l’ordre de 96 Mt entre 2030 et 2050, soit -4,8 Mt par an, contre -2,0 Mt par an entre 1996 et 2017. Tout est possible, bien sûr, mais difficile d’imaginer qu’on y arrivera sans interroger le rythme de la croissance économique ou en tout cas les modes de vie qui soutiennent l’activité économique et sa croissance.
Plus d’informations dans la note jointe.
A votre disposition.
Bien à vous.
Philippe Defeyt